Une mauvaise réputation n’est pas (toujours) irréversible : le cas Ryanair à la loupe
S’il est une compagnie aérienne à la réputation longtemps maudite, Ryanair remporte sans conteste la palme de la détestation de l’opinion publique. Créée en Irlande en 1985 par Michael O’Leary, le fantasque fondateur et toujours PDG n’a eu de cesse d’avancer comme un bulldozer pour faire grossir son entreprise et s’imposer aujourd’hui comme le n°1 européen de l’aviation civile low-cost. Problème : ses frasques communicantes et son service client minimaliste ont fini par dangereusement éroder l’attractivité de la marque au profit de l’éternel rival Easy Jet et détruire pour de bon le capital image de Ryanair. Face à ce risque patent, celle-ci a récemment réagi avec un ambitieux plan combinant services améliorés et actions de communication mieux ciblées. Récit d’un décrochage réputationnel en cours de rattrapage.
En septembre 2013 après moult épisodes désastreux en termes de perception, les lecteurs britanniques du magazine consumériste Which ? (en gros, l’équivalent du magazine français UFC – Que Choisir ?) désignèrent Ryanair comme la pire des 100 plus grandes marques opérant au Royaume-Uni (1). A l’époque, l’alerte avait été semble-t-il entendue par l’éternel trublion de l’aérien puisque Michael O’Leary venait d’embaucher un communicant et ancien journaliste du nom de Robin Kiely pour justement tenter d’estomper les impacts réputationnels qui s’accumulaient depuis plusieurs années. Mais pas si facile de faire évoluer une posture d’entreprise où la provocation et le mauvais goût ont longtemps été érigés en attributs d’image.
Déni et turbulences
A peine nommé aux commandes du cockpit communicant de Ryanair, l’impétrant (photo ci-contre) va vite rencontrer des turbulences. Interrogé par la presse spécialisée britannique, il déclare tout de go que les réseaux sociaux sont inutiles face aux critiques des consommateurs et qu’une telle démarche digitale impliquerait que « deux personnes de plus devraient se consacrer à Facebook toute la journée » (2). Une déclaration maladroite qui ne passe pas inaperçue à l’heure où Ryanair empile les contentieux avec ses clients obligés de payer des amendes astronomiques (et qui se plaignent sur Facebook !) parce qu’ils n’ont pas pu imprimer eux-mêmes leurs billets d’embarquement et autres joyeusetés du même acabit qui ont l’art de ruiner une expérience consommateur ! Sans parler du PDG lui-même qui ne se prive pas de blâmer en public et avec virulence les passagers qui osent râler.
En dépit de cette boulette, le communicant de bord va maintenir le cap. D’abord en s’attaquant au quotidien The Daily Telegraph et en exigeant du journal la rectification suivante (3) : « Ryanair est une compagnie low-cost. Aussi j’apprécierais que vous évitiez de la qualifier de « no-frills » à l’avenir ». Autant dire que l’admonestation n’a guère été goûtée du journaliste qui a aussitôt révélé publiquement les pressions qu’il recevait de la part de Robin Kiely.
Quelques mois plus tard, c’est au tour d’un forum en ligne baptisé « Professional Pilots Rumours Network » de faire les frais de l’ire corporate de Ryanair. Sur ce réseau où pilotes, journalistes spécialisés et experts du secteur ont l’habitude de partager des informations, un internaute sévissant sous le pseudo d’ « always flying » multiplie les billets critiques sur la façon dont Ryanair gère la sécurité de ses appareils. Résultat : suite à une plainte de la compagnie irlandaise qui s’estime diffamée, un juge sud-africain de Pretoria ordonne à l’opérateur Telkom Mobile de divulguer l’identité de l’agitateur à Ryanair. Dans la foulée, d’autres assignations ont été flanquées à Yahoo, Microsoft et Google pour tracer les adresses IP de tous ceux qui ont repris et commenté les billets en question !
Premiers pas digitaux … ratés
En dépit de ses assertions initiales sur la vacuité des réseaux sociaux, le communicant de Ryanair amorce à la même époque un premier virage stratégique qui se traduit d’une part par une certaine repentance de l’entreprise pour son ton un peu trop discourtois et d’autre part l’ouverture d’un compte Twitter pour entamer un dialogue plus régulier et utile avec les usages de la compagnie aérienne. Histoire de mettre le turbo et inciter les internautes à s’abonner en masse, Ryanair annonce même que le 10 000ème et le 20 000ème followers bénéficieront d’un vol totalement gratuit (4). Une incurvation du discours qui n’a rien de neutre car en septembre 2013, Ryanair rencontre pour la première fois une érosion significative de son chiffre d’affaires et une cote de popularité franchement mauvaise.
Il n’en demeure pas moins que l’amende honorable professée par Michael O’Leary a du mal à persuader les observateurs. Au même moment, Ryanair croise en effet le fer sur ces mêmes réseaux sociaux avec plusieurs de ses pilotes. Agacés par leurs conditions de travail et demandeurs d’une enquête administrative sur la sécurité des avions, ceux-ci ont ouvert un compte Twitter et une page Facebook pour faire connaître plus largement leurs revendications. Cinq jours plus tard, l’entreprise fait fermer les deux espaces au motif de l’exclusivité de la propriété intellectuelle de la marque Ryanair ! Ce qui n’empêche pas les pilotes de récidiver en ouvrant un nouveau profil Twitter encore plus offensif envers leur employeur. Actuellement, le compte existe toujours et accueille plus de 3100 abonnés mais n’a plus fait parler fortement de lui depuis la censure faite par la direction générale.
Virage toute !
Devant le crash réputationnel qui se profile cette fois très sérieusement, Michael O’Leary décide alors en janvier 2015 de modifier radicalement le plan de vol communicant et marketing de son entreprise. Exit les pénalités à débourser sur le champ en cas d’absence de carte d’embarquement non imprimée. Abandonnés les frais supplémentaires pour les bagages ayant le malheur de dépasser de quelques millimètres par rapport aux spécifications de la cabine. Et surtout, le PDG procède entretemps à l’embauche d’un directeur marketing & communication issu du monde de la grande distribution, Kenny Jacobs (photo ci-contre). Rompu aux attentes de la clientèle dans un univers particulièrement concurrentiel, l’homme va largement contribuer à la nouvelle feuille de route de Ryanair intitulée « Always Getting Better ».
La tonalité corporate de l’entreprise est également revue de fond en comble. Au rencard, les bimbos aux seins gonflés à l’hélium que Michael O’Leary affectionnait particulièrement pour faire remarquer son personnel navigant dans d’improbables calendriers. En mai 2015, c’est un tout nouvel uniforme bleu nettement plus sobre qui a fait son apparition pour les hôtesses et les stewards de la compagnie en faisant appel à un jeune designer irlandais. Dans une récente interview, le dircom Robin Kiely admet que l’entreprise avait sûrement un peu trop poussé les gaz (5) : « A l’époque, notre stratégie RP était de faire le plus de bruit possible et déclencher des controverses, ce qui générait des tonnes d’articles et des réservations de vols sur notre site Web. Mais, c’est devenu une approche un peu trop radicale. Cela a définitivement changé maintenant ».
Des effets tangibles mais …
Indéniablement, Ryanair a su récupérer finalement en peu de temps le piqué réputationnel dans lequel elle était en train de tomber. Cela s’est traduit notamment par une présence plus sélective et moins éruptive du PDG, Michael O’Leary dans les médias (photo ci-contre), évitant ainsi les embardées verbales dont il était coutumier. D’autres porte-paroles comme Kenny Jacobs mais aussi le directeur financier Neil Sorahan et le directeur commercial David O’Brien sont apparus pour prendre le relais sur certains sujets plus pointus. Autre revirement remarquable : l’usage des médias sociaux. La page Facebook et le compte Twitter sont définitivement devenus des outils au service de la relation et de la discussion avec la clientèle. Et en cas de litige, cette dernière ne se fait plus envoyer sur les roses comme auparavant. Une nette amélioration qui a même valu à Ryanair d’être distinguée dans une enquête menée en 2014 par Skift comme étant la compagnie aérienne (6) la plus rapide à répondre en cas de plainte (66 minutes en moyenne).
Les efforts ont payé si l’on en juge une autre étude publiée au début de 2015 par YouGov. L’institut d’étude de l’opinion a en effet dévoilé sa dernière édition du baromètre mesurant le buzz positif et négatif engendré par la communication des marques auprès des consommateurs. Si les deux premières places sont remportées par les enseignes de distribution Aldi et Lidl en termes de progression annuelle, la troisième marche du podium revient à … Ryanair.
Ce qui n’empêche pas Sarah Murphy, directrice du YouGov Brand Index de nuancer la performance en saluant le bond effectué par la marque mais en insistant également sur le travail de perception de fond qui reste à faire. Si les résultats financiers sont revenus largement au vert et la barre franchie des 100 millions de passagers par an, Ryanair n’en continue pas moins de défrayer la chronique autour du traitement réservé à ses équipages. Ces derniers temps, France 2 a ainsi diffusé un édifiant reportage où l’on voyait des hôtesses s’entasser à plusieurs dans des bungalows de camping bon marché à deux pas de l’aéroport. Si Ryanair est parvenue à apaiser les esprits, elle ne doit en aucun cas perdre de vue qu’une réputation se nourrit aussi très largement de la façon dont une entreprise gère ses collaborateurs. Sur ce point, Robin Kiely va encore avoir du pain sur la planche ! Surtout si ceux-ci décident de s’exprimer plus ouvertement … sur les réseaux sociaux !
Sources
(1) – Connor Humphries – « Ryanair unveils new strategy: ‘be nice to customers » – Reuters – 20 septembre 2013 –
(2) – Loulla-Mae Eleftheriou-Smith – « Ryanair’s new comms chief to eschew social media » – PR Week – 31 janvier 2013
(3) – « E-réputation : Quand Ryanair essaye de dicter ses lois sur Internet » – Le Blog du Communicant – 27 juin 2013
(4) – – François Duclos – « Ryanair se lance sur Twitter » – Air Journal – 24 septembre 2013
(5) – John Harrington – « Ryanair: from offensive charm to charm offensive » – PR Week – 12 juin 2015 –
(6) – -Ibid.
2 commentaires sur “Une mauvaise réputation n’est pas (toujours) irréversible : le cas Ryanair à la loupe”-
MENOU -
-
Olivier Cimelière -
Bonjour,
En cours d ameliorations , vous dites ????
Vous avez encore du travail !!!!
Comment expliquez vous que les conditions generales de vente de votre site soient cachées en petit titre dans la page des conditions d utilsation du site.
OK c est legal,vous navez aucune obligation et dans une vente entre un particulier et un professionnel (….), vous n avez aucune obligation ,notamment concernant l article L 441-6 du code de Commerce , mais en tant que Professionnel, votre objectif PREMIER n est il pas de FIDELISER votre client pour gagner de l argent ????
Ce nest pas le cas pour moi :
Dans mon esprit, vous m avez vole de la somme d un aller-retour pour mon fils age de 15 ans et 7 mois , mesurant 1m80 car l article concernant les limites dage n est presenté que dans les conditions particulieres en bas des conditions generale elles meme cachees dans les 7 articles des conditions d ‘utilisation du site.
J ai pourtant cherché mais je n ai pas trouvé de conditions relatives aux mineurs voyageant seuls, simplement parce que je n ai pas ete dans les cas particuliers de vos conditions generales de vente au bout de 12 pages !!!!!!! tout cela pour un billet d avion de 50€ !!!! passer une demi heure a lire pour ne pas trouver , c’est ce qui m’est arrivé !!!
Ma carte bleue (papa) a d abord ete debitee du cout des deux billets (aller-retour) et ensuite au moment de valider l identite de mon fils qui aura 16 ans en mai 2016, ma confirmation reservation a été refusée .
Le montant des deux billets a été débité sur mon compte bancaire. C est du vol car votre site n est pas clair.
Comparez avec Easyjet qui a une rubrique » AIDE » dans laquelle on peut preciser « voyage MINEURS SEULS » et on TOUT DE SUITE LA REPONSE .
A VOUS DE SAVOIR SI VOUS SOUHAITEZ VRAIMENT AMELIORER VOTRE IMAGE et REMBOURSER quand vous reconnaissez que votre site n est pas clair.
J attends une reponse de RYANAIR sans en attendre car dereputation, vous ne repondez jamais…..J attends de verifier Vos nouvelles intentions d ameliorations de votre reputation et de vos relations commerciales. Rembourser ne demande qu’un coup de fil. Ameliorer votre site certes reclame du travail mais tellement plus de clients fideles !!!!
Easyjet vous prend desparts de marché depuis quelques années . Si vous n etes plus aveugles par votre place de leader bientot ancienne : A VOUS DE REAGIR si vous le souhaitez.
Ce courrier va etre balancé partout sur le net si vous ne repondez pas avant le 15 decembre 2015 car votre site est incroyablement complexe quand il n est pas traductible et reste en Anglais !!!!
J.MENOU
Bonjour Madame, Monsieur
Je peux comprendre votre colère à la lumière des éléments que vous évoquez. Mais mon blog n’est pas affilié à Ryanair et je ne suis pas en mesure d’apporter une réponse à vos doléances. Je suggère de contacter leur SAV via le sit Web ou sur Twitter. Vous remerciant