Puma & maillots déchirés : La communication de crise jouera-t-elle les prolongations ?
A défaut d’avoir vu des buts marqués, les spectateurs du match de football Suisse/France comptant pour la 1ère place du groupe A de l’Euro 2016, auront pu assister à d’incroyables péripéties avec une pelouse digne d’un champ de patates, un ballon crevé et surtout une étonnante série de maillots troués ou déchirés chez les joueurs helvétiques durant la rencontre. Pour Puma, l’équipementier officiel de la Nati (surnom de l’équipe nationale suisse), il a d’emblée fallu activer une communication de crise dont les enjeux vont bien au-delà d’une tunique en lambeaux. Explications.
L’opposition entre la France et la Suisse le 20 juin dernier restera gravée parmi les temps forts de l’édition 2016 du championnat d’Europe des nations de football. Si sportivement, les amateurs de ballon rond retiendront surtout les tirs à répétition des Français sur les montants de la cage suisse, le grand public s’est surtout esclaffé devant l’épidémie textile des maillots portés par les joueurs suisses. Ce sont ainsi six tuniques qui sont parties en lambeaux dans le feu de l’action et surtout sous l’œil des caméras du monde entier. Pour Puma, le fabricant de cette nouvelle génération de maillots affichés comme innovants, le coup est rude. La marque à la panthère noire entendait profiter de l’Euro 2016 pour taquiner la suprématie d’Adidas et Nike. Pour l’instant, c’est surtout une réputation qui s’effiloche.
Quand le discours devient décousu
Les footballeurs le savent bien. Il y a des matchs où quoi que vous fassiez, rien ne va. C’est exactement le sentiment que les responsables de Puma ont sûrement dû ressentir en regardant la rencontre opposant la France à la Suisse. La marque allemande a en effet « réussi » l’improbable exploit de voir au total six maillots se transformer successivement en haillons durant le match. Un coup dur pour la marque propriété du groupe Kering qui misait justement beaucoup sur l’Euro 2016 pour faire valoir le design spécifique et l’innovation technologique de sa nouvelle gamme baptisée PUMA ACTV Thermo R. Porté par 5 sélections en lice pour l’Euro 2016 (Suisse mais aussi Italie, Autriche, Tchéquie et Slovaquie), le maillot revendique officiellement de nouveaux bénéfices pour les sportifs (1) : « Les bandages ACTV sont placés à des endroits anatomiquement importants à l’intérieur du maillot. Ils y procurent des micro-massages sur la peau et alimente la musculature en énergie de manière rapide et efficace. Les couches étroites powerCELL soutiennent le corps de manière naturelle pour une performance maximum pendant l’entraînement et après l’effort ».
L’enjeu est d’autant plus important que l’univers du football demeure encore majoritairement dominé par deux autres marques historiques, Adidas et Nike. En devenant équipementier officiel d’équipes de football, Puma s’offre donc l’opportunité de démontrer grandeur nature la valeur ajoutée de ses propres maillots et de toucher ainsi une large public. Avec de surcroît des investissements qui ne sont pas négligeables puisque la marque paie par exemple 18 millions d’euros par an à l’équipe nationale italienne. Autant dire que le sujet est stratégique pour gagner en notoriété et en crédibilité auprès de tous les fans et/ou pratiquants footballeurs et qu’une compétition comme l’Euro 2016 constitue une formidable vitrine pour espérer booster ses ventes.
Un maillot contre son camp
Pourtant, c’est un tout autre scénario qui s’est noué dimanche dernier sur la pelouse du stade Pierre-Mauroy à Lille. Au fil du match et des oppositions viriles avec leurs adversaires tricolores, les joueurs suisses Embolo, Mehmedi, Dzemaili et surtout Xhaka (qui a dû se changer à trois reprises !) ont vu leur tunique rouge se transformer en guenilles mettant certes leur musculature avantageuse en évidence mais n’assurant pas vraiment une publicité rêvée pour leur équipementier Puma ! Les internautes ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Ils ont aussitôt embrayé et multiplié les traits d’humour sarcastiques, les commentaires moqueurs et les détournements d’image grinçants. Un désastre en termes d’image d’autant plus que le match était particulièrement suivi, notamment en France où M6, la chaîne qui retransmettait la rencontre a battu son record d’audience historique avec un pic d’audience à 15,7 millions de téléspectateurs en fin de rencontre ! Soit quasiment autant de personnes qui ont pu constater de visu que les maillots suisses n’offraient pas vraiment une grande résistance aux inévitables tirages qui ont lieu pendant une confrontation. Et le joueur vedette de la Nati, Xherdan Shaqiri d’en rajouter une couche à l’issue du match en déclarant publiquement à la télévision suisse (3) : « J’espère que Puma ne produit pas de préservatifs» !
En termes de communication de crise, Puma a eu le mérite de répliquer très rapidement. Dès le lendemain matin, un communiqué explicatif était publié en ligne (4) : « Notre enquête à propos des maillots de dimanche a conclu qu’il y a eu un matériel défectueux. Des fils ont été endommagés pendant la production, ce qui a conduit à la fragilité du maillot. Ceci est dû à un mauvais contrôle de la chaleur, de l’impression et du temps de production. Les maillots ACTV sont faits d’un mélange d’élasthanne et de polyester. Le matériel défectueux a été utilisé seulement dans un petit nombre de maillots suisses à domicile ». Une manière de circonscrire l’incendie réputationnel à la seule sélection helvète et de calmer le jeu. De fait, les formations slovaques et tchèques également équipées par Puma qui ont joué les jours suivants, n’ont pas connu les avatars de leurs homologues suisses.
Prolongations ou coup de sifflet final ?
Si pour l’instant, l’incendie médiatique semble jugulé, Puma ne s’est en tout cas guère montré prolixe sur les réseaux sociaux, notamment sur sa page Facebook qui compte plus de 16 millions de fans et son compte Twitter avec plus de 1,4 million d’abonnés. Une posture mutique quelque peu surprenante au regard de l’écho sans précédent donné à cette histoire de maillots aussi fragiles que du papier crépon. Histoire qui n’est pas sans poser des questions auprès des consommateurs. Le pari communicant de Puma n’est donc pas sans risque. Soit le problème est définitivement résolu et l’on peut alors espérer raisonnablement chez Puma que l’anecdote restera comme un incident technique exceptionnel et isolé. Soit le maillot suisse voit de nouveau ses coutures exploser et le marque se retrouvera alors dans une crise amplifiée. Certains médias comme le quotidien populaire allemand Bild n’ont d’ailleurs pas hésité à mettre en cause le manque de fiabilité du procédé textile innovant du maillot Puma.
D’ici là, le meilleur moyen d’éradiquer définitivement la polémique tient en une date et un match : celui du 25 juin à Saint-Etienne qui mettra aux prises la Pologne avec … la sélection suisse. Si les maillots résistent sans encombre au jeu particulièrement physique des Polonais, Puma pourra s’estimer tiré d’affaire. Dans le cas contraire, la communication de crise pourrait alors jouer des prolongations où la réputation de la panthère noire risque d’en pâtir pour longtemps. Puma a assuré avoir fait l’inventaire de tous les maillots fournis aux équipes sous contrat avec la marque et qu’ « un incident aussi malencontreux ne se reproduira pas ». Pour l’instant, celle-ci n’a écopé que d’un carton jaune. Attention à ne pas en prendre un second qui serait synonyme d’expulsion !
Billet rédigé en collaboration avec L’Ambassade Agency
Sources
– (1) – Site officiel de Puma
– (2) – Jean-Christophe Sanchez – « Maillots de l’Euro : mauvaise pub pour Puma et contrat record pour Adidas » – Radio-Monaco.com – 22 juin 2016
– (3) – « Euro-2016: un défaut de fabrication à l’origine des maillots Puma déchirés » – La Croix – 20 juin 2016
– (4) – Newsroom du site corporate de Puma
2 commentaires sur “Puma & maillots déchirés : La communication de crise jouera-t-elle les prolongations ?”-
didier profichet -
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Olivier Cimelière -
soyez sympa arreter d’etre naifs a ce point ………………….
puma est dans l’escarcelle d’un gros annonceur publicitaire et français de surcroit. parler de faits sans précédents est un peu exagérer et surtout loin de la réalité. plus personne n’en parle. en effet, les états major journalistique ont fait passer le message et en 12h00 l’incident avait disparu des journaux et plus personne n’en parlait. pour les télés, pas la peine elles sont confrontées a ce type de conflit d’intérêt et savent les gérer. bref, l’incident est clos et aucun contrat n’a été dénoncé. l’annonceur ne perd pas de sous et devra augmenter son budget pub de 10 % afin de renvoyer l’ascenseur. et peut être même que les maillots ont été fragilisé par un excès de qualité , oui mais la on rentre dans de l’info confidentielle.
GW
Excusez moi mais je n’ai pas bien compris votre théorie conspirationniste ???