#ConfPR : Quels enseignements de communication retenir ?
Suite aux récentes révélations de Closer, jamais une conférence de presse présidentielle n’aura suscité autant d’expectative et de supputations dans tous les sens. Quelle stratégie de communication François Hollande allait-il adopter pour déminer l’affaire privée mise en lumière tout en tentant de conserver la dynamique politique enclenchée lors des vœux 2014 avec le pacte de responsabilité ? Après près de 3 heures d’exposé et de roboratives questions-réponses, quels faits marquants peut-on souligner sur la communication présidentielle et la réplique journalistique ?
Le Blog du Communicant avait tracé 3 scénarii possibles après le pavé jeté dans la mare médiatique par l’hebdomadaire people. C’est finalement sans trop de surprise la « no comment attitude » qui l’a emporté. Avec toutefois l’esquisse d’une prochaine clarification d’ici le 11 février et le voyage officiel du président de la République aux Etats-Unis, bastion s’il en est de la transparence drastique en matière de vie privée. Sera-ce suffisant pour relancer la mécanique communicante de l’Elysée, abstraction faite du fond politique des annonces effectuées aujourd’hui pour lesquelles ce billet n’est pas l’objet.
L’éternel joker de la vie privée
Les anglo-saxons auront encore matière à se gausser des vaudevilles tricolores. Une nouvelle fois, le joker de la vie privée a été brandi par le président de la République dès que les questions tentaient de le ramener sur le terrain de ses escapades nocturnes prises sur le vif par Closer.
L’argument ne constitue pas en soi une énorme surprise tant il a été objecté un nombre incalculable de fois par ceux qui se faisaient prendre sur le vif ou qui subissaient de tenaces rumeurs. Même au plus fort de sa crise médiatique, Dominique Strauss-Kahn avait lui-même invoqué la vie privée comme bouclier non-négociable devant les interrogations pressantes de la presse.
François Hollande n’a pas dérogé à la règle. A cet égard, il a emprunté une posture très similaire à celle que Nicolas Sarkozy avait cultivée lorsque s’épaississaient les rumeurs de divorce autour de son couple avec Cécilia. Les explications données par le locataire de l’Elysée se sont focalisées sur la pénibilité personnelle de la situation vécue et sur le caractère intime des décisions qui en découleront. En décidant de couper court aux questions inéluctables, François Hollande a pu ainsi envoyer un signal net aux journalistes présents à la conférence de presse même si d’aucuns ont vainement bravé le black-out présidentiel.
Cependant, conscient qu’une brèche irréversible a été opérée avec le scoop de Closer, François Hollande n’a pas intégralement balayé l’affaire comme si elle n’avait jamais existé. Dans la foulée de son exigence de vie privée, il a malgré tout fixé une échéance intervenant au plus tard le 11 février, date de sa visite officielle à … l’emblématique couple Obama ! Une tactique communicante habile qui présente un double intérêt : relâcher temporairement la pression médiatique et se donner du temps pour … négocier avec celle qui est encore jusqu’à nouvel ordre sa compagne en titre. De plus, annoncer une rupture lors de sa conférence de presse aurait été d’un effet catastrophique pour l’image déjà bien brouillée de François Hollande tandis que Valérie Trierweiler séjourne encore à l’hôpital. Bien qu’elle soit largement impopulaire, elle aurait inévitablement endossé les habits de la victime lâchement abandonnée.
L’inoxydable exercice de la conférence compassée
A l’heure où les médias sociaux ont bouleversé grandement la donne démocratique, la conférence de presse d’aujourd’hui laisse un goût bizarre d’exercice un peu suranné qui ne correspond plus vraiment aux attentes et aux exigences de dialogue démocratique. La prestation de François Hollande s’inscrit pourtant pleinement dans la tradition de ces prédécesseurs, entouré de ses ministres réduits au rang de potiches devant éviter à tout prix l’assoupissement coupable. D’emblée, le président a embrayé sur un discours liminaire solennel. Intérêt : définir soi-même le terrain de jeu d’où il entendait s’exprimer, à savoir rebondir sur les enjeux socio-économiques de la France et lancer officiellement son pacte de responsabilité. Une façon habile de bordurer la question qui hantait tous les esprits assis en face de l’orateur et la cantonner là où François Hollande entendait la placer.
D’un point de vue communicant, l’exercice a paradoxalement permis à François Hollande de retrouver un costume présidentiel que ses errements décisionnaires (comme l’affaire Leonarda) et ses petites blagues maladroites avaient sérieusement érodé au point d’accentuer sa plongée dans les sondages. Pour qui a suivi l’événement, on avait l’impression de retrouver le candidat Hollande de 2012, sérieux, didactique et déterminé égrenant des axes, un calendrier, des annonces au risque d’ailleurs de perdre l’audience tant l’introduction finissait par ressembler à un catalogue de mesures et d’intentions. Au final, c’est comme si François Hollande s’accordait l’équivalent d’un « reboot » gouvernemental après 20 mois de pas de tango dans tous les sens. Tactiquement, c’est plutôt bien fait. Mais là aussi, les actes à venir devront être en accord avec cette tentative de dire « on efface tout et on recommence ». Dans le cas contraire, le retour de manivelle sera cinglant.
La désolante apathie de la presse
Si les communicants de François Hollande peuvent globalement se réjouir de l’issue de cette conférence sous haute tension, les représentants de la presse n’auront en revanche guère brillé.
Ce n’est pas avec ce temps fort du quinquennat Hollande que les journalistes regagneront les faveurs de l’opinion publique. L’immense majorité s’est rangée débonnairement derrière le principe de la vie privée pour soigneusement éviter la question qui fâche.
Certes, Alain Barluet, président de l’Association de la presse présidentielle et journaliste au Figaro, fut le premier à s’y risquer et a essuyé une réponse attendue. En revanche, à l’inverse d’une presse anglo-saxonne qui n’aurait pas lâché le morceau, quasiment personne n’a osé relancer le sujet. Le plus téméraire fut le journaliste Nicolas Domenach qui amorça une tentative de double uppercut autour de la pertinence de la vie privée à l’heure actuelle et de l’état de santé de Valérie Trierweiler. La réponse sèche et expéditive renvoya aussitôt l’impétrant dans les cordes. Même sort pour le journaliste d’Associated Press qui tenta timidement d’y revenir avec le même insuccès au final.
Sans forcément succomber aux excès parfois charognards de la presse américaine et britannique, les journalistes français auraient tout de même pu éviter la torpeur éditoriale dont ils ont fait preuve sous les lambris de l’Elysée. Surtout lorsque les questions sont de surcroît posées par des médiacrates patentés que plus personne n’écoute depuis longtemps. La presse ne s’est pas rendu service et n’a pas forcément aidé pour autant le président de la République. Ce dernier a certes réussi à desserrer l’étau dans lequel il s’était enferré depuis vendredi dernier. Le premier acte de la communication présidentielle est à cet égard plutôt réussi.
Mais attention à ne pas croire que les choses s’estomperont d’elles-mêmes. En publiant pour la première fois des photos volées d’un président en exercice, Closer a créé un précédent en France en matière de vie privée des personnalités publiques. Qu’on le veuille ou non, qu’on s’en réjouisse ou non, le curseur s’est déplacé. L’étanchéité complaisante de l’ère mitterrandienne et chiraquienne qui a longtemps prévalu, devient obsolète. Communicants politiques et journalistes vont devoir intégrer ce paramètre au risque de se faire déborder par des paparazzi peu scrupuleux, voire des quidams en mal de minute de gloire qui auront le bol de saisir un instantané compromettant. Et là, les grand-messes élyséennes n’y suffiront bientôt plus !