Réseaux sociaux & sportifs : mariage d’amour ou de raison ?

Avec l’émergence des réseaux sociaux, nombreux sont les athlètes de haut niveau à avoir enfilé le maillot du 2.0 pour communiquer à leur façon avec les fans et les passionnés de sport. Au fil des ans, l’exercice du digital est quasiment devenu incontournable dans la réputation d’un sportif professionnel. Un exercice qui requiert toutefois tact et pertinence pour éviter de transformer l’aventure en bad buzz catastrophique. Interview exclusive avec Sylvain Caillot, un expert numérique qui accompagne de grands noms du sport.

Depuis neuf ans avec son agence de communication Interactive One, Sylvain Caillot conseille des sportifs célèbres et d’autres en devenir pour construire avec intelligence leur réputation numérique sur Internet et les réseaux sociaux. A l’instar de la préparation d’un match de haut niveau, la conversation digitale d’une personnalité sportive ne s’engage pas sans un minimum d’implication et de dextérité. Le Blog du Communicant 2.0 s’est entretenu avec Sylvain Caillot qui livre quelques clés fondamentales pour tout aspirant sportif épris de nouvelles technologies de communication.

En quoi la réputation numérique est-elle devenue un enjeu d’image pour les sportifs et depuis quand ?

Amélie Mauresmo vient d’ouvrir son nouveau site Web avec Sylvain Caillot – Image ©Sylvain Caillot – www.interactive-one.fr

Sylvain Caillot : Pour m’y être intéressé depuis sa création, je pense qu’Internet joue un rôle indispensable dans la communication et l’image des sportifs.

J’en ai d’ailleurs fait mon métier en 2005 en créant l’agence Interactive One afin d’accompagner dans leurs démarches de communication de nombreux athlètes et sportifs comme Tony Parker, Amélie Mauresmo, Jo-Wilfried Tsonga, etc.

Si au départ, Internet était plutôt le sanctuaire des fans (avec des forums et des chats) jusqu’en 2004, il est ensuite devenu au fil des années un média exceptionnel au service de leur communication mais aussi de la visibilité de leurs sponsors. Comme dans d’autres secteurs, les réseaux sociaux ont permis de démocratiser l’accès aux figures sportives. Mais aussi dans certains cas, ils peuvent présenter un risque de marginalisation lorsque les sportifs sont trop souvent livrés à eux-mêmes dans leur communication.

Quelles sont les motivations les plus fréquentes qui poussent les sportifs à vouloir ouvrir un fil Twitter, une page Facebook ou tout autre outil 2.0?

Sylvain Caillot : La liste est longue et non exhaustive : être proche des fans, avoir une relation plus directe avec eux, communiquer sans intermédiaire, ne plus dépendre de la presse et des médias traditionnels, développer leur notoriété, toucher et trouver de nouveaux partenaires. Ensuite pour ce qui est de leurs motivations plus spécifiques, cela dépend du sportif lui même, de sa sensibilité aux nouvelles technologies, de son caractère ouvert ou introverti, du sport ou du club dans lequel il évolue.

Quels sont les critères de succès qu’un sportif doit impérativement intégrer et respecter dans la gestion de son identité numérique ?

Tony Parker et Sylvain Caillot – ©Sylvain Caillot – www.interactive-one.fr

Sylvain Caillot : Avec l’arrivée des réseaux sociaux, le sportif doit s’impliquer beaucoup plus qu’avant. Hier, nous étions dans la création d’une image. Aujourd’hui, nous sommes dans le développement d’une réputation et d’une influence. Et pour cela, pas de secret, il faut un minimum d’implication de la part du sportif. Ce qui n’était pas forcément toujours le cas auparavant. Dans le sport plus qu’ailleurs, on pourrait résumer cela par la formule : « montre-moi comment tu communiques, je te dirai quelle image tu donnes ! »

Etes-vous astreints à des objectifs chiffrés ?

Sylvain Caillot : Pour ma part, je suis d’abord un communicant ! Ma passion est en priorité de conseiller et d’accompagner le sportif pour l’aider à mieux gérer et mieux maîtriser sa communication au quotidien en se servant des outils actuels (site Internet, Facebook, Twitter, Instagram, etc. ). Avec l’objectif ultime de développer son image et sa notoriété. En ce qui concerne les chiffres, il est évident que les agents et les sponsors en sont particulièrement friands ! A moi de les conseiller au mieux pour trouver le juste équilibre et ne pas être uniquement focalisé sur des statistiques.

Ce sont des notions nouvelles, voire très floues, même pour les marques qui sont souvent déboussolées par manque de repères. C’est sur ce point que mon expérience et mon expertise interviennent aujourd’hui. Un grand nombre de fans ou de followers n’est pas forcément une garantie de qualité en termes d’association d’image pour une marque ou un sportif. D’autres critères essentiels interviennent et cela fait partie de mon métier de les identifier. Etre au service du sportif, de sa communication et de son image reste et restera « la Priorité » !

On se souvient de Sébastien Chabal qui a twitté sur sa blessure quelques jours avant un match capital. Pendant l’Euro 2012, certains coachs ont interdit tout réseau social à leur équipe sachant que la presse lit attentivement les messages des joueurs. A contrario, comment les aider à éviter les « fails », les « bad buzz » ou les scoops journalistiques non voulus ?

Une réputation numérique se construit tout au long de la carrière – ©Sylvain Caillot – www.interactive-one.fr

Sylvain Caillot : Cela fait aussi partie intégrante de mes prestations de conseil. Cela suppose d’abord de s’adapter à la personnalité du sportif et à son entourage tout en intégrant son environnement marketing et médiatique ainsi que des contraintes et des réglementations sportives. Finalement, c’est un métier bien plus complexe qu’il n’y paraît non ? Pour éviter les « bad buzz », mieux vaut donc être bien conseillé et bien accompagné. Poser des règles claires avec le sportif et ses partenaires est un élément particulièrement primordial. C’est une chose que je fais systématiquement quitte à ce qu’il y ait une petite frustration au départ.

En revanche, cela débouche au fil du temps sur une relation de confiance plus solide et tout le monde prend conscience que cette recette finit par être gagnante. C’est aussi la raison pour laquelle ma collaboration avec les athlètes se fait sur le long terme. Mieux vaut jouer la carte de la sécurité. Je ne suis pas adepte «  du coup marketing » pour lesquels les sportifs sont de plus en plus sollicités ponctuellement. Cela va très souvent à l’encontre de leur image et de leur popularité. Les internautes ne s’y trompent pas. Pour moi, une image et une identité numérique se construisent sur du long terme. Elles s’articulent autour de facteurs variés et précis qu’il faut savoir maîtriser, faire évoluer et adapter à chaque sportif.

Selon vous, quels sont les 3 sportifs modèles à suivre et à s’inspirer. Pourquoi ?

Sylvain Caillot : Pour parler de sportifs bien différents avec lesquels je travaille, je citerai le footballeur Mamadou Sakho (Paris Saint Germain et équipe de France) , le footballeur Raphaël Varane (Real Madrid et déjà convoqué en équipe de France) et le tennisman Jo-Wilfried Tsonga. Ce sont des sportifs jeunes, impliqués, qui aiment avant tout partager avec et pour les fans et les personnes qui les suivent. Ils acceptent les contraintes médiatiques et marketing liées à leur image tout en ayant une grande volonté d’être proche des internautes et des fans de sport. Cet état d’esprit est vraiment un atout car cela permet de travailler sur le long terme. Au final, la communication qui est mise en place aujourd’hui sera forcément bénéfique à leur réputation tout au long de leur carrière… et même au delà !

Quelles évolutions voyez-vous pour les sportifs dans leur communication numérique. Par exemple, Vine la nouvelle application de Twitter pour faire et publier une vidéo de 6 secondes peut-elle considérée comme une opportunité ?

Raphaël Varane, jeune footballeur talentueux sur le terrain et le Web 2.0 !

Sylvain Caillot : Quitte à paraître rétrograde, le site officiel reste et restera le support de base pour la communication de l’athlète. Les réseaux sociaux sont des outils communautaires, de notifications de l’information, d’échanges. Ils facilitent la publication de contenus mais en aucun cas nous ne laisserons reposer uniquement l’image d’un sportif sur des supports tels que Twitter, Facebook, Instagram. Le site Internet officiel reste en quelque sorte une garantie de propriété à laquelle je tiens et pour laquelle mes clients sportifs restent très attachés pour les années qui viennent.

Qui venez-vous de signer récemment comme sportifs vous confiant leur identité numérique ?

Sylvain Caillot : Je travaille depuis l’année dernière avec Raphaël Varane qui est un jeune footballeur de 19 ans à l’avenir plus que prometteur et qui évolue au Real Madrid. En quelques mois, sa page Facebook a dépassé les 200 000 fans et son compte Twitter frôle désormais les 150 000 followers. Comme pour les autres sportifs avec lesquels je me suis investi dès le début de leur carrière (comme Tony Parker notamment), son image et sa réputation en ligne se bâtissent au fil des mois avec une stratégie et des règles bien définies. Croyez-moi, vous n’avez pas fini de vouloir suivre Raphaël Varane !

Je tiens à remercier Sylvain Caillot pour son aimable contribution et son extrême rapidité à avoir répondu à mes questions.

Pour aller plus loin

– Visiter le site et suivre les actualités d’Interactive One – Facebook Twitter 
– Nicolas Martin – « Chaque sportif a son propre environnement » – L’Essentiel.lu – 14 février 2012
– Pallissarde – « PSG, Sakho, Nenê, Gameiro : on a interwievé leur community manager » – Sportune.fr – 12 février 2012

Bio express

Titulaire du’une maîtrise d’Information & Communication, Sylvain Caillot est responsable de la Communication et du Marketing Digitale des sportifs depuis 2004. Les sites officiels et réseaux sociaux qu’il gère aujourd’hui représentent une audience cumulée de plus de 2 millions de fans et followers. Parmi les principaux sportifs conseillés, on peut notamment citer :
– Basket : Tony Parker, Boris Diaw
– Athlétisme : Ladji Doucouré
– Tennis : Amélie, Mauresmo, Jo-Wilfried Tsonga, Alizé Cornet, Michaël Llodra, Arnaud Clément
– Football : Mamadou Sakho, Yann M’Vila, Kevin Gameiro, Guillaume Hoarau, Nenê, Raphaël Varane
– Rugby : Benjamin Fall



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